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VOS TÉMOIGNAGES

Recueil de vos témoignages sur le harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire est un sujet qui nous tient à coeur de traiter car il touche chaque année des milliers de jeunes. Sensibiliser et faire de la prévention passe selon nous par une libération de la parole, alors n'hésitez surtout pas à partager votre histoire via le formulaire situé dans la rubrique "contact". Nous les publierons par la suite sur cette page, de manière anonyme si vous le souhaitez.

Je m'appelle Céleste. Pour ceux qui ne visualisent pas qui je suis, petite brune avec une grande gueule, ça devrait vous suffire. A n’importe quel moment de ma vie, j’ai toujours été bien plus petite que la moyenne, légèrement plus frêle, première de la classe mais très lente et rêveuse, « un peu dans mon monde » comme s’amusaient à dire les adultes autour de moi. Mais bon, ça ne me déplaisait pas, j’étais heureuse comme ça. J’ai jamais été trop « mode », j’ai mes goûts à moi, ça me convient très bien. Mais là est bien le problème, ça n’a pas toujours plu aux autres.


Mon harcèlement a commencé à mon entrée au collège, j’avais 11ans. Dans les vestiaires, les filles me baissaient la culotte et me palpaient les seins pour voir où en était ma puberté. Il n’y a pas un seul jour où je n’ai pas entendu de si poétiques paroles telles que « va te pendre », « meure », « je vais appeler mon frère qui va venir te planter avec son opinel », ou encore et le pire de tous :« j’espère qu’on te viole chez toi ». J’ai eu le droit à de nombreux croche-pattes, je suis souvent tombée, j’avais en permanence des bleus. Une fois, on m’a lapidé de pierres à la sortie des cours. Je suis rentrée chez moi la nuque ensanglantée, mais j’avais trop honte d’avouer tout ce qui s’était passé, tout ce qui passait depuis toutes ces années. Alors comme chaque soir, j’ai mis mon masque de première de la classe qui avait quelques copains mais pas trop, comme ça papa et maman ne me poseraient pas trop de questions et seraient fiers de moi, de mes bonnes notes et de mon sourire si calme mais pourtant si faux.


Les moments que j’appréhendais le plus étaient les récréations et la cantine. Car autant en classe, on est assis pour travailler, mais à la récré… on est censé aller jouer avec ses amis. Mais on fait comment quand on a pas d’amis ? On va trainer au CDI. Ce qui nous amène au point suivant : le renfermement sur soi et le renforcement de l’image du gros naze à laquelle les autres nous identifient. J’ai commencé à bégayer jusqu’à ce que cela devienne un réel handicap. Résultat je ne parlais plus, ou lorsque j’essayais, mes très chers et aimants camarades de classe s’en donnaient à cÅ“ur joie pour m’imiter de manière grossière tout en me jetant des boulettes de papier. Certains élèves avaient pitié de moi et auraient pu m’aider s’ils n’avaient pas eux-mêmes peur de se retrouver dans la même situation. Ils ont donc préféré m’éviter et se ranger du côté des plus forts pour se protéger. Je reste aussi persuadée que plusieurs professeurs avaient pleinement conscience de la situation, avec toute l’humiliation à laquelle je faisais face en classe quotidiennement. Jamais personne ne m’a demandé si j’allais bien, si j’avais de quelconques problèmes. Ceux-ci préférèrant jouer la sourde oreille. En effet, c’est tellement plus facile de faire comme si de rien n’était plutôt que de convoquer les parents, mener une enquête, sanctionner les harceleurs, ouvrir une cellule d’écoute...


Je pensais que la situation dans laquelle je me trouvais durerait pour toujours. Me donner la mort devenait pour moi une option plus qu’envisageable. Alors j’ai inconsciemment opté pour un suicide lent. J’ai commencé par me sous-alimenter, je me suis laissée crever, puis j’ai été hospitalisée lorsque maigre comme un clou, j’ai été diagnostiquée anorexique. Maintenant vous devez vous dire : les plus belles années c’est les années lycée ! Je vous garantis que ça dépend pour qui. Pendant 3 ans je faisais des allers-retours hôpital/lycée. Certains ont très bien compris à quel point j’étais vulnérable. J’ai eu affaire à des manipulateurs de première classe. J’ai prêté beaucoup d’argent à des personnes qui ne me les ont jamais rendu. Le jour où je suis venue leur réclamer, ces charmants vautours m’ont volé mon sac puis ont brûlé mes cahiers, mes livres (mes meilleurs amis de l’époque vous l’aurez compris) devant mes yeux. Mémorables les années lycée n’est-ce pas ? Ce qu’il faut comprendre dans la logique du harcèlement c’est que tous les actes inhumains que je vous cite depuis le début ne se passent jamais qu’à une seule reprise. C’est tous les jours et ça commence dès 7h du matin dans le bus, puis en classe, à la récré, aux activités extra-scolaires et même sur Internet : je ne vous citerai pas le nombre de commentaires haineux à mon égard qui pullulaient lorsque j’ai publié ma première photo de profil sur Facebook. Imaginez-vous vous lever la boule au ventre et vous coucher avec ce sentiment de détresse d’être pris au piège, accompagné de la peur de ce que vous aurez à affronter le lendemain.


En entrant dans les études supérieures, j’ai décidé de passer à autre chose, de tout faire pour remonter la pente, oser m’exprimer en public, m’entourer de personnes bienveillantes et sortir de ce cauchemar qui n’en finissait pas et qui durait depuis 7 ans déjà. Pour faire court, j’y suis arrivée.


Depuis 4 ans j’ai des amis. Depuis exactement 10 mois je ne bégaye plus, plus du tout ! Depuis moins longtemps encore, je commence à m’accepter, à m’estimer pour la personne que je suis. Mais j’ai toujours très peur. Peur d’être seule. Je n’aime pas dormir car les cauchemars de mes nuits hantent mes journées. Je rêve sans cesse que l’on me frappe ou que l’on me veut du mal. Malgré tout cela je vais mieux. J’ai eu la force et le courage de commencer un suivi. Je vais chez mon psychiatre chaque semaine, et ça me fait du bien.


Aujourd’hui, je commence à être heureuse mais surtout je me sens libre et puissante d’avoir survécu à toutes ces années de supplice. Je ne vous demande pas d’aimer tout le monde, soyez vous-même. Mais laissez aussi les autres être les personnes qu’ils souhaitent être et devenir. Ne les méprisez pas, juste laissez-les, ou essayez de les comprendre, ils auront certainement des choses à vous apprendre peut être différentes de vos centres d’intérêts premiers, mais tout aussi intéressantes.


Si vous êtes harceleur, vous ne le savez certainement pas, vous ne vous en rendez pas compte. Vous voulez la "fame" et faire les rire les copains ? C’est carrément possible !! Mais au détriment des autres, c’est inconcevable. Etudiez votre comportement envers les autres étudiants, essayez de vous mettre à la place de certaines personnes (principalement celles que vous avez tendance à mépriser) et révisez votre manière de vous comporter, vous sauverez des vies !!


Si vous êtes en situation de harcèlement ou que l’un de vos proches (ou pas proche d’ailleurs) l’est, tournez-vous vers une aide et un support psychologique, les dégâts sur le long terme en seront moindres. Et surtout, parlez-en. J’ai trop longtemps eu honte de m’exprimer à ce sujet, alors que je n’ai en aucun cas à me culpabiliser pour ce qui s’est passé. Les personnes à condamner sont mes harceleurs, je ne suis qu’une rescapée.

Céleste Boutiab, membre du Collectif Réagir

Bonjour, je m’appelle Marie, et j’ai été cyberharcelée quand j’étais au lycée.


Vous allez me dire « enfin Marie, c’est rien, tu pouvais juste éteindre ton ordinateur et c’était fini ». Figurez-vous que non. C’était l’époque de ask, et pour sortir du moule de la bolosse du collège, désireuse de m’intégrer, j’en ai créé un, et l’ai posté publiquement sur mon Facebook. En une soirée, j’ai reçu plus de 150 messages. Parce ce que, voyez-vous, j’avais eu le malheur de coucher avec mon petit copain de l’époque, qui l’avait bien sûr raconté à tout le monde. Bref. Un beau florilège de haine gratuite, passant des classiques « t’es moche » et « jte baise » à d’autres trucs sympas du style « tu mérites d’être violée », « aucune de tes amies ne t’aime », « suicide toi », ou encore « ton mec te veut que pour ton cul t’as aucune personnalité ». J’ai désactivé le soir même. Je pensais être tranquille. C’aurait été trop facile. Des photos que j’avais envoyé à mon copain ont circulé dans tout le lycée. Des rumeurs. Mes amies ont commencé à m’éviter, et je n’ai reçu de soutien de personne. J’ai même dû changer de lycée. « Trop conne aussi la meuf », penserez-vous si vous êtes un bully en puissance. Ou « gros connard ce mec », si vous êtes un peu moins à jeter. Mais si c’est là que vous voyez le problème, vous vous trompez. Le problème, c’est cette volonté de toujours vouloir descendre son prochain – avec une sacrée propension quand il s’agit d’une meuf – pour amuser la galerie, les potes à qui on montre la photo, les membres de ma liste et mon asso sur admis gem (en plus si y’a des likes à la clef top bonus). Quand vous crachez sur une meuf parce qu’elle couche avec untel. Quand vous faites des chants sur une meuf. Quand vous vous moquez de leur physique ouvertement ou entre vous dans vos conv d’asso. Quand vous les humiliez pour le JT. Quand vous rentrez avec elles alors qu’elles sont pas en état d’aligner deux mots. On vous voit. Et vous êtes le problème. Ainsi que ceux et celles qui alimentent tout ça. Mais c’est toujours de l’humour, et c’est jamais votre faute vous étiez bourrés, et de toutes façons tu l’as vue cette pute, et puis on s’en fout elle est moche quoi, au pire elle verra pas c’est bon. Et quand ça va trop loin vous faites semblant d’être tristes, oh non trop nazes les horribles personnes qui ont fait ça. Ouais, bah pour éviter ça, encore eût-il fallu que vous eussiez eu le niveau basique de considération pour votre prochain, et ce au-delà de votre cercle de potes. Ça vous arrache la gueule hein. Y’a encore du travail.

Marie

Quand on pense au harcèlement, on pense suicide d'adolescents, on se dit que ce sont des adolescents fragiles, un peu isolés, qui n’avaient peut-être pas le mental pour tout « ça » et qui n’auraient jamais pu survivre dans cette jungle compétitive qu’est notre société aujourd’hui. On se dit surtout que c’était des jeux d’enfants, que les enfants peuvent être cruels entre eux et qu’au pire, ça passera. Quand un bourreau décide d’écraser sa victime, qu’elle ait un caractère fort ou tempéré, il trouve le moyen. Mais ça ne passe pas. Jamais vraiment. Ça reste là, plus ou moins douloureusement. Ne vous y trompez-vous pas : la haine peut disparaître avec le temps, mais la colère ne disparaît jamais véritablement. Au plus, elle s’atténue mais les souvenirs la ravivent. Parce que le plus gros défaut du harcèlement, c’est l’isolement qu’il provoque. Et rares sont les mains tendues. Souvent sont-elles inexistantes.


Chaque histoire est différente et chaque réaction l’est aussi. Mais le traumatisme reste le même, peu importe l’âge ou les faits. J’avais un an d’avance en entrant en sixième, dans une classe de filles d’un collège parisien archi catho et extrêmement réputé. Oui, ce collège-là, où le polo traditionnel est de mise à chaque évènement de l’école. Je le trouvais très stricte et à la mentalité relativement fermée. Mais je m’y conformais volontiers. J’y ai retrouvé des connaissances de mon ancienne école primaire, on a vite été dispatché dans diverses classes avec divers emplois du temps. Seule l’une d’entre elle était dans ma classe. Très vite, mon naturel à « jongler » de groupe en groupe a vite agacé et j’ai été mise à l’écart très tôt. On aime les groupes qui restent entre eux, on n’aime pas les gens indécis qui aiment parler à tout le monde et qui ne suivent pas les tendances. Alors des « on ne veut pas de toi », j’en ai eu à la pelle. Des plaisanteries de gamines du genre cacher les affaires à un endroit si élevé (je faisais 1m29), que j’arrivais à l’école sans mes cahiers ou mes livres et me faisais engueuler par les profs. Une autre fois où, étant en fin de maladie, je me suis faite prendre à parti par 27 élèves qui prenaient plaisir à me reprocher une potentielle contamination, tandis que les 3 autres se contentaient simplement de regarder. Cette fois-là ayant été de trop, j’étais rentrée (encore une fois) en pleurs chez moi et je me rappelle ma mère, pourtant claquée de sa journée de boulot, avait pris l’annuaire de l’école pour en appeler tous les parents concernés après le dîner. Par chance, les filles s’étaient calmées, mais j’étais devenue la paria de la classe durant les deux années suivantes. Trois ans d’isolation, donc, où je revenais à chaque rentrée la boule au ventre, sans oser demander à mes parents de me changer d’école, c’est assez long. Mais j’ai fini par changer d’école. 

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Le problème du passage de l’école catholique au lycée public un peu extrême-gauche sur les bords, c’est qu’on devient vite étiquetée « mocassin-serre-tête-coincée » sans raison. Évidemment, le sexe étant tabou avant le mariage dans mon ancien collège, disons que l’éducation sexuelle n’était pas vraiment au rendez-vous pour moi en arrivant dans le public et les moqueries ou les insultes allaient de bon train. En fait, à y réfléchir, ma timidité avec les garçons y a été pour quelque chose (au point où, moi pourtant grande gueule et bavarde, j’ai été incapable d’ouvrir la bouche devant certains de mes béguins) et ma réserve avec les gens s’est aggravée par la suite, même si j’apprécie toujours autant faire de nouvelles rencontres. Autant dire que se faire traiter de lesbienne quand on a aucune idée de ce qu’est la masturbation et voir toute la classe éclater de rire, c’est assez violent. Et ça n’aide pas à s’ouvrir aux autres et à passer ses récrés autre que dans la classe avec un pavé de cinq cents pages écrit en police 20 pour s’occuper. La self défense a été mon échappatoire à cette époque : des adultes bienveillants et qui n’osaient pas me faire mal m’ont appris que chaque individu, moi compris, avait de la valeur en tant qu’être humain. Aujourd’hui, je suis capable de réagir si ma vie est en danger, mais la self-défense ne m’a jamais donné les clefs pour réagir aux violences verbales. Et j’aurais préféré que ces violences soient physiques parce que j’aurais eu la chance de réagir et de montrer que mes bourreaux s’étaient trompés d’adversaire. Parce que le pire, quand le bourreau ne passe pas à l’acte, ce sont les moqueries et les insultes, auxquelles on est incapable de répondre parce que ça n’a pas de sens. Et quand en plus les profs participent aux humiliations et que les bourreaux boivent du petit lait en attendant, on est pris au piège. Alors bienvenue en prépa. La meilleure période de vie pour certains, pleine de challenge et de compétition. Je vais attaquer avec le fond du problème qui s’est posé pour moi : la jouer « simple » quand on évolue dans un milieu modeste en venant d’un milieu bourgeois, ce n’est apparemment pas le meilleur camouflage pour se fondre dans la masse. Et pourtant, c’est ce que je suis : une bonne éducation, mais des goûts simples et des plaisirs simples. Or, j’ai tout eu : j’étais vue comme la « fille de », la touriste qui n’en foutait pas une après les cours et qui méritait ses sales notes, la salope qui avait osé larguer un type apprécié de tous. Ce même type qui avait détourné ma caméra pour prendre des photos de moi à mon insu et sans même que j’en sois consciente (donc j’annonce tout de suite la question du consentement ne se pose même pas) puis a prétendu un partage accidentel de son ordi à l’internet de l’école pour balancer les images (j’étais mineure).

Depuis, j’ai appris à mettre un cache, bien avant Mark Zuckerberg, mais le mal était déjà fait. Comment je l’ai appris ? Cent paires d’yeux braquées sur soi pendant un repas, c’est assez efficace pour se rendre compte d’un problème. Je passe les insultes dans les couloirs, les humiliations des mecs des autres classes, le harcèlement sexuel même l’année d’après en ayant quitté la ville. Alors évidemment, combiné à l’ambiance hostile de ma classe m’a aidé à me libérer de la honte que je ressentais (alors que je n’étais que la victime), de l’isolement (parce que cet épisode ne m’a pas aidé à me faire des amis, au cas où vous vous en doutiez), les discussions de classes où on vous ajoute « par accident » et dont on vous retirer tout de suite après mais dont vous avez le temps d’apercevoir brièvement quelques insultes ou remarques désobligeantes, des remarques humiliantes de certains personnels administratifs (qui ont « rendu ce service » de n’avoir pas encouragé à porter plainte alors que je n’avais 17 ans), des menaces de me faire frapper si j’avais le malheur de rire (un rire franc mais contagieux, d’après mes amis), des remarques discriminantes sur le milieu social qui aurait dû m’aider à réussir la prépa (oui, ça a été dit), les remarques sur mon premier échec scolaire dont j’étais « seule responsables » et de cette colère quotidienne contre ce cyber-violeur (c’est en tout cas la manière dont je l’ai ressenti) qui, n’ayant pas apprécié que je ne sois pas particulièrement sympa avec lui à chaque fois que je devais lui adresser la parole, a bombé le torse, prêt à me frapper, et à qui j’ai dit ouvertement que mes cours de self-défense n’avaient été en rien des cours de cuisine ou de couture (comprendra qui voudra) et que je lui avais éviter un casier judiciaire de pédo-cyber délinquant. À la question du pourquoi je n’ai rien fait, je réponds toujours que c’est la première question qu’on se pose. Mais plus important, le sentiment d’échec général en cas d’abandon et cette pensée qu’« ils auront gagné » est ce qui rallume la flamme de la persévérance mais aussi les pulsions de violences qui viennent également. Et quand en plus la déléguée vient de la part des profs, soi-disant inquiets de mon état et se demandent « si tu ne comptes pas te suicider, hein ? », disons qu’à un moment, et en dépit du garçon génial qui partage ma vie depuis, le cerveau se met en stand-by, le corps jette l’éponge et évidemment, je ne parlais pas à mes parents pour ne pas les inquiéter en leur révélant ce qui m’était arrivé. J’ai tenu l’année pour leur montrer qu’ils ne gagneraient pas et je suis partie. J’ai fini par virer cette période de ma vie après plusieurs années, pour n’en garder que les éléments positifs : mon copain et ses amis, qui m’ont été d’un soutien moral sans précédent et qui me faisaient remarquer, récemment, à quel point ce que j’avais vécu était violent. Je me souviens d’ailleurs avoir haussé les épaules de manière nonchalante pour ne pas à avoir à me rappeler du degré de traumatisme, mais les images sont là. Contrairement à beaucoup d’ancien harcelés, je n’ai vu aucun professionnel. Les rares tentatives de consultations ont été plus que décevantes. À y réfléchir, je pense que le plus terrible c’est la récurrence des questions : « pourquoi moi ? », « qu’est-ce que j’ai fait pour attirer cette haine ? » et la remise en question de soi permanente qui affecte la personne qu’on devient après ce genre d’évènements. La réponse que j’y vois est celle-ci : il n’y a pas de raison, ni justifiée, ni justifiable. Point. Je n’ai jamais compris cette nécessité perverse d’écraser quelqu’un d’autre pour se sentir bien dans sa peau. C’est un concept qui me dépasse complètement. Cependant, des anciennes camarades elles-aussi harcelées dans leurs collèges et lycées respectives ont fait ce que je n’ai jamais osé faire : reprendre contact avec ses bourreaux et les revoir pour leur faire prendre conscience du mal qu’ils leur avaient fait. De mes anciens bourreaux, une seule de mon collège catholique, s’est excusée. Et bizarrement, ça a été le soulagement que j’attendais pour cette période. Je ne me sens pas prête à reprendre contact avec le type qui a cyberviolé mon corps pour me punir de l’avoir quitté. Je n’ai pas envie de lui raconter les sept ans de réminiscences et de honte. Je n’ai pas envie de lui dire que j’ai eu longtemps détesté la partie de mon corps qu’il a dévoilée, cette impression d’avoir été souillée à distance. Je n’ai pas envie de lui dire la colère que j’ai continué à ressentir vis-à-vis de moi-même parce que je n’ai pas été voir la police (pour dénoncer des photos que je n’ai jamais vues par ailleurs mais dont je suis consciente de l’existence). Je n’ai d’ailleurs plus envie d’entendre parler de lui à nouveau, entendre son nom me crispe encore. Je sais que je n’obtiendrai jamais de pardon de qui que ce soit de ma prépa, ni des profs, ni des élèves.

J’ai mis du temps à l’accepter, mais j’ai décidé d’avancer. Et quand l’on me dit « bon, tu n’as pas réussi ta prépa, mais tu as appris des choses, quand même, non ? », j’explique en souriant pourquoi prétendre avoir retirer quoi que ce soit d’intellectuel face à la souffrance occasionnée, c’est minimiser ce qui est arrivé. Je n’ai rien à minimiser ou nier. Ni à avoir honte. Je dirais que la prépa a véritablement brisé celle que j’étais avant. Mais je me suis reconstruite et je peux sincèrement dire que j'aime ma vie actuelle.

Anonyme

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